Distique
Qu’en vous Dieu vienne, ami blanc d’âme au corps
svelte, et que nos trois cœurs battent d’accord.
Quatrain
Amie, un cœur las d’être à nul humain cœur n’ente
Porte ta solitude avec douceur
Dieu close au soir ta plaie lancinante
Emmi le blanc val des vierges, tes sœurs.
Jeu
I.
Je songe, tandis que seulet
je parcours ce pays barbare
et cannibale (car ce l’est)
que l’or enfièvre et les bars barrent,
à ceux qui sages, sachant l’heur
mauvais qu’illusion ménage,
restent chez eux, cultivent leurs
choux et se mettent en ménage.
II.
Sagesse
Quoi que tu aimes, art ou vigne, eau
calme, yeux bleus ou gloire anthume,
sur tout, préfère, Arrou-Vignos,
un coffre, et la, bourgeois, rente hume
Il fait beau jouer au matador
lorsqu’on a l’or en escarcelle,
la foule que l’on mata dort,
l’oreiller d’or tous écarts cèle.
La bourse plate, à l’ex-entrain
succède au plus adéquat être ;
la Faim parle, l’alexandrin
se tait, et le dodécamètre
se taisent hélas (ô style haut !)
tels poèmes qu’Homère échote,
la lyre fait place au stylo
et la rime, homme amer, aux cotes.
“Or-rond-de-cuir”, plus qu’“art-laurier”
le poète assagi l’aime. Arg-
ile heureuse car l’or y est
à la fin du mois il émarge.
N’ai dédain, puriste, car casse
le pot au puis brut enlisé,
sans chérir nos tristes carcasses
il ne sied les brutaliser.
D’autres, qu’un vent poussait devant
sombrent que, havres, l’art affale.
De mer en port, poussé de vent
notre esquif brave la rafale.
ceux qu’un souci ivre et vain lustre
cassent tôt leur pipe, ô trépas !
puissions-nous, nous, vivre vingt lustres
flûtant de nos pipeaux très bas.
Pégase s’échappe, usé lièvre ;
l’âme en ce micmac art renie.
consolons-nous abusées lèvres
emmi l’ami macaroni.
Paris 12–20
III.
Grande complainte de la garde-barrière et de son amant, mise en vers français avec l’histoire de leur vie amoureuse et de leur mort semblablement, de l’érection de leur sépulcre et ce qui s’ensuit :
“J’ai dit à la garde-barrière :
ne t’assieds pas sur ce cactus
car j’ai lu dans un prospectus
que l’on s’y piquait le derrière.”
Crois-moi, ce porc-épic vert cogne
de la mort même fis-tu choix
ne t’en approche. Si tu chois
il t’étripera sans vergogne.
Mieux vaudrait pour toi ma Ménade
te laisser choir dessus ces rails
plus cruels qu’aux cossus sérails
pal, estrapade ou bastonnade.
Si tu ne m’écoutes, tonnante,
je m’offrirai cœur et corps fou
aux roues
de l’express de Corfou
qui passe à neuf heures nonante,
ô roue d’acier, trimballant drue !
quand le fourgon disparaîtra
ramasse ce qui restera
de moi dont tu fus la Landrue
de ton drapeau brise la hampe
je le désire pour linceul
qu’on m’enfouisse dans ce lin, seul
avec du laurier sur la tempe,
qu’on la dépose ma dépouille
dessous ce passage à niveau
d’où vaches et veaux, mes rivaux,
de l’œil tes blonds charmes épouillent
Inscris ces mots dessus son disque :
“Cet homme-ci mourut sans peur
il était beau comme un sapeur
et savoureux comme une bisque.
combien de fois durant ma garde
enjamba-t-il les fils de fer,
bravant les trains au train d’enfer
des locomotives hagardes.
il brandissait d’une main ferme
mon drapeau rouge au nez des trains,
à l’automobiliste étreint
par l’angoisse il criait ; “on ferme.”
mais douce était sa récompense
je lui laissais baiser ma main
je lui riais d’un air gamin,
n’étant si mijaurée qu’on pense,
Bon lecteur, la fin de l’histoire
va du premier au quart quatrain
d’où l’emporte l’adéquat train
vers le céleste consistoire.
Adonc tu gémiras, mignonne,
les bras tordus, les nerfs à fleur
de peau, et pâlira la fleur
qui dessus ta joue trognonne,
tes cheveux dorés d’un or-fée
s’encendreront d’une blancheur
tu te pencheras, blanche sœur
d’Eurydice, vers ton Orphée.
Las ! Hélas ! la mort t’environne !
déjà tu me souris, car on
l’embarque au flot où m’a Caron
recueilli qui Styx avironne.
Quelque jour, comme d’Héloïse
et d’Abélard, ce mausolée
saura les amants désolés
qui dans le Baedecker les lisent
il crèvera, notre édicule
des cœurs d’amoureuses, dont ceux
de pales Anglaises, qui se
disputeront nos clavicules ;
et le soir les gardes-barrières
pieux, viendront gémir, hurleurs,
sur nous, en rond, assis sur leurs
derrières !
6–21 Le 1er quatrain est d’Arrou.
Complainte de la garde-barrière et de son amant – mise en vers français avec l’histoire de leur vie et de leur mort amoureuse, de l’érection de leur sépulcre et ce qui s’ensuit
J’ai dit a la garde barrière :
Ne t’assieds pas sur ce cactus
car j’ai lu dans un prospectus
que l’on s’y piquait le derrière
Crois-moi ce porc-épic vert cogne
De la mort même fis-tu choix
Ne t’en approche. Si tu chois
il t’étripera sans vergogne.
Mieux vaudrait pour toi ma Ménade
Te laisser choir
dessus ces rails
plus cruelles qu’en ses sérails
pal, estrapade ou bastonnade
Si tu ne m’écoutes, ô tonnante
Je m’offrirai cœur et corps fou
aux roues de l’express de Corfou
Qui passe à neuf heures nonante,
ô roue d’acier, trimballant drue !
Quand le fourgon disparaîtra
Ramasse ce qui restera
de moi dont tu fus la Landrue
De ton drapeau casse la hampe
Je le désire pour linceul.
Qu’on me drape dans ce lin seul
avec du laurier sur les tempes.
Qu’on enfouisse ma depouille
dessous ce passage à niveau
dou vaches et veaux, mes rivaux
de l’œil tes blonds charmes épouillent
et puis je desire (mirage.)
qu’au bord du chemin vicinal,
tu dresse en mon nom un signal
Comme on en voit dans les virages
Inscris ces mots dessus son disque :
Cet homme ci mourut sans peur
Il etait beau comme un sapeur
et savoureux comme une bisque.
Combien de fois durant ma garde
enjamba-t-il les fils de fer
malgré les trains au train d’enfer
des locomotives hagardes.
Contraire au chien de Jean Nivelle
il accourait docile, sûr
d’avoir à manier aux bifurs
les leviers et les manivelles
Il brandissait d’une main ferme
mon drapeau rouge au nez des trains,
A l’automobiliste étreint
par l’angoisse, il criait “on ferme.”
mais douce etait sa récompense
Je lui laissai baiser ma main
et lui riait d’un air gamin,
n’étant si mijaurée qu’on pense.
(souvent tait tes tentacules !)
il me dit : “dit ce que tu veux
tu l’aurais” : et moi : “J’ai fait vœu
d’un cactus.” “Hélas tu m’accules !
en quel gouffre, sous quel tropique
trouverais-je cet animal
puis tu te vas faire, amie, mal
ce comestible par trop pique.”
Bon lecteur la fin de l’histoire
va du premier au quart quatrain
d’où
l’emporte l’adéquat train
vers le céleste consistoire.
Ainsi tu gémiras, mignonne
les bras tordus, les nerfs à fleur
de peau, et s’éteindra la fleur
qui dessus ta joue trognonne
tes cheveux dorés d’un art-fée
s’encendreront d’une blancheur
Tu te pencheras, blanche sœur
d’Eurydice, vers ton Orphée
Las, hélas ! la mort t’environne !
Déjà tu me souris car on
t’embarque au flot où m’a Caron
recueilli qui Styx avironne.
Quelque jour comme d’Heloìse
et d’Abeilard, ce mausolé
verra des amants désolés
qui dans le Baedecker nous lisent
il crevera, notre édicule
des cœurs d’amoureuses, dont ceux
de pales
Anglaises, qui se
disputeront nos clavicules
et le soir, les gardes-barrières
pieux, viendront gemir, hurleur,
sur nous, en rond, assis sur leurs
derrières.
6–21
Thérèse de l’Enfant Jésus
Bacchante chaude, tueuse de grappes, Thérèse
dans son ébriété réjouit les vignes du
Seigneur. Moi je suis le grain verreux
mordu
par hasard, giclant pourri sous sa dent de braise.
Maître, soulagez-moi. Votre Bois par trop pèse
à l’épaule.
(la drachme et l’agneau sont perdus.)
Pitié. J’adapte à vos pas droits mes pieds tordus
j’ahane, singeant vos ailes d’un art obèse.
Holocauste d’Amour, Thérèse, les contus
et les brisés, pour lesquels Dieu n’ôta la trappe
leur peau saigne. Donnez-leur les soins qu’ils n’ont eus.
pressez sur vos lèvres les grains fanés, la grappe
souffrante et n’oubliez mon pauvre corps hagard
que votre paume l’offre, et que vos doigts le garent.
Paris 8–21
Seigneur prenez pitié de ces modèles, femmes
prostituant leur chair sur tant d’ordes tréteaux
Leur blanche chair sans amour, qui fane très tôt,
bleuie au froid, sous l’œil scrutateur qui diffame
Vivre charnel avec des lèvres sur ma bouche,
avec des mains dans mes paumes, avec des reins
contre mes reins, semblable au porc que le purin
réchauffe, et dont le groin dedans des culs s’abouche.
Crève
mes yeux, lute
ce ciel
limpide et louche
qui m’appâte avec ses milliers d’astres, car rien
ne déracinera ce désir icarien,
cet impossible essor dont la chute or me couche.
ô décervelle
-moi,
Seigneur, ton serviteur
est las des cimes. Il dédaigne les hauteurs
et quiert la plaine grasse aux putréfiantes flores.
Laisse-le s’assoupir sur des ventres pourris
(étrangle la voix de ta grâce qui le fore)
qu’il
s’embourbe parmi les Acéphales, rit
et baise, et processionne
aux rangs des Phallophores.
Paris 21–6–21
D’Exil.
Je suis jeune, Seigneur et j’ai soif et j’ai peur
de ce corps en révolte et de ses sens d’erreur
Voici que toutes ces chairs neuves me sont belles
j’aurais plaisir à jouir et à gémir sous elles.
Vous qui avez créé notre chair de limon
voici qu’elle me semble un fanal de haut mont
et que j’ai ce désir sexuel et raisonnable
de bâtir un amour autrement que de sable
avec une qui serait simple, qui saurait
les choses du ménage et dont l’âme serait
candide avec ce corps qu’il vous plaira d’élire,
car je suis fatigué d’être seul, et de lire
et de gémir avec toujours ma seule main
pour sécher les pleurs de mes pauvres yeux humains ;
et sur mon front toujours ma propre paume froide.
J’ai beau marcher vers Vous d’une volonté roide
sans souci des cailloux à mes plantes, des fleurs
proches, ni du repos aux ombrages frôleurs,
il est des jours où je voudrais m’asseoir à l’ombre
des figuiers lourds, et reposer dans la pénombre
du soir tôt descendu mes yeux las d’horizons
nouveaux, ternis d’avoir l’Infini pour prison
et désireux du sœuil de pierre, de la cage,
des volets verts, et du baiser dans le bocage
aux joues fermes de la fille étendant ses draps ;
Mais Votre fouet me frappe aux reins. Lassés, ces bras
rechargent le bissac et remplissent la gourde
et le bruit du bâton martelant la nuit sourde
et le choc du gravat contre le pied, l’effort
des jarrets, le devoir reçu comme un dard fort
sont à nouveau pour moi l’ami et la chaumière
et le repos........
Vous me voulez dans la Lumière
mais je préférerai, Seigneur, l’obscurité.
Laissez-moi reposer sans Vous. Par charité
Je suis débile, et votre Vin c’est pour les hommes ;
il me tourne la tête et je me sens tout comme
le paysan guindé dans des habits trop beaux ;
les escarpins ôtés je reprends les sabots
avec plaisir, troquant l’habit contre la blouse.
Ainsi j’échangerai l’Eglise, Votre Epouse
contre une ménagère habile et forte aux champs.
J’amasse contre Vous des rancunes touchant
vos préceptes. Pourquoi m’essorer solitaire
quand j’aime tant le goût gras et chaud de la terre
nourrice découvrant ses seins contre mes dents ;
Jean jouait d’un oiseau. L’arc bandé se détend.
de l’aloès mâché l’amertume s’émousse,
Vos silex ont durci mes pieds bleuis. La mousse
et les fougères me seraient d’un bon repos.
Votre douleur après crisperait mieux ma peau ;
votre ongle fouillerait une chair moins inerte ;
Elle s’est peu à peu close, mon âme ouverte
vers vos dons par ma main ferme d’adolescent
Votre “fardeau léger” me rompt les reins. Puissant
rechargez Votre Croix. Vous qui alliez aux noces
laissez-moi, comme les autres, à mes négoces
et me réjouir aux chants, aux lèvres, aux vins bus ;
J’ai médité longtemps dessus Vos Attributs
et je voudrais courir aux champs, ne fusse qu’une
heure, et reprendre après votre joug sans rancune....
mais je suis lié comme l’esclave du moulin
tourneur de meule (sous les crachats des malins)
dont les yeux crevés ne pleurent plus ce qu’ils souffrent.
à bord du Flandre. sténographie Mexico. Fini 3–12–21
Matière.
I.
Ayez pitié, Seigneur de cette chair sans but
qui s’étiole, et qui s’effeuille et qui s’affale
je voudrais brocarder avec les acéphales
parmi les femmes prises et les cidres bus.
Paul dit : “Tout est symbole et reflet.” Mais l’embu
ternit la glace et sous l’ongle son tain dévale
nos corps ne savent plus ce que ces reflets valent
ceux qu’ils suggèrent, nous les mîmes au rebut.
L’œil buté n’y perçoit plus que ventres et mufles.
D’hors l’absent tain nulle aile plumeuse n’insuffle
le désir de choses qui ne soient point d’En Bas.
Phalliques nous vaquons parmi les apparences,
adorateurs de jarretières et de bas,
barbifiant nos cuirs aux brés du lac d’absence.
9–1–22
II.
Seigneur prenez pitié de cette chair grossière
de ces sens révoltés et de ces doigts repus
mes jours déjà jugés au fil de vos computs
les municipaux seuls m’ont couronné “rosière.”
flamme en berne, l’âme s’immerge aux croisières
glauques, aux mains des morts gonflés de sel, qui put
vibrer aux cobalts bleus (loin des draps et des pus)
vers des Brésils et ce Christophore en visière !
Somme au creux du crée.
Bu aux seins matériels
lait lourd, ventres et dos, groins et stupres réels ;
Délivrez-nous, Seigneur, des charnelles Sargasses,
où la coque ivre vire avec ses bois fongueux,
misaine à bas, ais
décloués, carène lasse,
marins bus, joueurs de cartes, gras d’un sommeil gueux.
10–1–22
I.
Seigneur, pourquoi m’avoir cousu ce cœur farouche
et ce désir inassouvi qui crie au corps.
Les genoux las, laissez-moi jouer ces jeux encor
jeune, et de drus baisers clore ces belles bouches.
Votre crée me suffit : peignoirs et babouches
valent ces péplums d’anges (si loin) et l’accord
d’un rire jeune au mien n’égale-t-il le cor
(inouï) qu’en blancs chœurs les chérubins embouchent,
vous “jouez parmi les enfants des hommes” et
moi je vaque parmi eux caduque et lésé,
vieillard qui ne sait plus jouer avec les gosses.
Solitaire (issu d’où) ces êtres, je ne puis
plus les posséder. Juif errant, ni leurs négoces
ne m’intéressent, ni leur chair ne m’est appui.
11–1–22
II.
Il me faut racheter ce désert d’apparences
gourde sèche, sac veuf, et ce penn-bach au poing
je paie en pleurs ; Votre “bonté” fournit l’appoint,
auberges chères, filles froides, soupes rances.
Vous créâtes à votre plaisir (pour mes trances)
les fleurs, les ombres, l’eau, les fruitiers, les
ronds-points
qu’il me sied traverser sans halte, sous l’époint
de vos fureurs, avec au cœur vos voix qui tancent.
Cela me ferait tant plaisir de reposer
une heure en ce décor familial, d’oser
odorer, palper et goûter vos créatures.
Mais elles me sont plus lointaines que vos saints ;
mes bras exaspérés battant l’air vers leurs seins
lourds, n’étreignent que ces arts et littérature.
12–1–22
III.
Débile proie à mes mâchoires de Tantale
quêteuses de gibiers palpitants encor, pris
affolée aux ronces, de mangues aux pourpris
poisseux d’or ! J’ai faim. Foin des beignets
de pétales.
Votre mort (pour nous) fut charnelle, non mentale.
et c’est dans notre chair que nous quêtons son prix
“ils ont ce qu’ils demandent, ceux qui prient.”
J’ai soif d’un catholicisme expérimental.
Pourquoi pourrîtes-vous sur ce gibet, si c’est
pour vos hoirs même croix et même dœuil ; laissez-
moi jouant à l’ombre des clous et des épines,
dégonfler mes bras à Votre bois extendus,
ivrant ma fraîche chair en meurtres, viols, rapines,
oublier ne fut-ce qu’une heure, votre dû.
14–1–22
IV.
Vraiment, ne m’ennuyez plus avec Votre croix,
il me faut reposer, et puis manger et rire.
Drapeau rouge ! Je me libère de votre ire !
danseur fleuri, je volte, et, au soir, me ceins roi.
Vois : l’homme LIBRE, il va jaillir en bel arroi.
Ho ! mes pieds ne volent. J’oubliais : te maudire
loi physique et mathématique qui m’attire
bas ; Comment me délivrer de Dieu par surcroît,
lapide le masque, lacère le cothurne ;
au sol la poudre d’or et les fards, pour nocturne,
dos crispé, jarrets exacerbés, cet effort
le recharger, retraverser ce fleuve immonde
quantes fois cru banni, chêne au poing, Christophore
haineux, sous l’Enfant qui pèse plus lourd qu’un monde.
14–1–22
Pourquoi ne m’avoir pas saisi dans la bataille
ce martyr militaire ô plutôt qu’un civil
j’ai rancœur à me voir féal d’ânes, si vil
et nu, crachant ce sang sous mainte piètre entaille ;
mort onéreuse et ridicule, leurs ripailles
surplombent ce cadavre haletant encor ; s’il
pouvait pourrir, rigide enfin ; mais non, ses cils
bougent toujours et son cœur troué qu’ard la paille
il faut que Votre ciel soit beau vraiment. C’est tant
triste ici. Quelque archangelesque combattant
n’occira-t-il ce Dragon d’hors nos chairs lascives,
ou faudra-t-il poings coupés et jarrets rompus
longtemps encor, traînant nos ventres dans nos pus,
quêter la mort, des caillots de sang aux gencives.
16–1–22
I.
Enfant j’ai dégusté des laits précieux, avec
mélancolie et des femmes qui sentaient bon
me bercèrent. Les prêtres du haut de l’ambon
veillaient l’enfant riche ; l’or me fit ce cœur sec.
j’eus de vrais amis, maintenant signeurs de chèques ;
même hier, au promenoir, j’en revis un, cordon
au monocle. J’ai frôlé ce vivant mort dont
le bleu regard n’a daigné recueillir l’Abject.
Ça fait que je n’ai plus d’amis aucun, pas même
un. Quel bouffon shake-hand tresserait leurs gants crèmes
à mes doigts désappris des contacts élégants.
M’acheminer solitaire et célibataire
vers ce terreau goulu, sans monocle, sans gants
sans maîtresse, sans ami, sans or, sans notaire.
II.
Adolescent, j’ai connu l’âpre vie au camp
et le repos au débotté, dans les foins fades
ces chevelures et ces chairs d’où l’on s’évade
las, ce dais de fer meurtrier, les suffoquant.
Puis, dans l’âcre labeur des jours (loin des croquants)
surgirent d’hors la toile et le bois mes parades
(guère d’oripeaux sachant plaire aux camarades)
public nul. Ça
manque de cancans à boucans.
C’est certain qu’un jour on fermera la baraque
dont s’enrouent, vains, la caisse rauque, le clown braque
qui ne sut plaire aux militaires et bonn’d’enfants.
et comment s’amuser du spectacle : la peur
suintait des fards. Pour tout programme il y avait
l’enfant-gymnaste qui saute à faux, saigne, pleure.
21–1–22
Dieu, ça me ferait certainement plaisir, mais
j’ai perdu l’habitude des flancs veufs de lance
des fronts sans trous des mains sans clous. L’équivalence
de votre chair et de sa chair, bon pour Homais.
les colombes gémirent doux, les cerfs bramaient
las. Ceux-ci s’enlaçaient d’amoureuse cadence
moi, seul, je cheminais aux voix de la prudence,
tronc solitaire et sec, que n’a su fleurir mai.
Saurais-je encore déguster l’art de ces bouches,
m’ardre au contact moelleux de ces chairs. Cœur farouche
il n’est plus temps. Tu ne peux plus vivre animal.
il est mort l’enfant qui griffait d’ardeur les tables
Aimer ? sachant qu’Insoucieux et blancs de fards
leurs minois créèrent sa Face épouvantable !
23–1–22
Ne “savoir” nulle créature
ni, Vous, saint fuyant capripède
rué d’hors sapinaies et pinèdes
sailli du roc, qu’un saut rature.
Point ragoûtante, ma pâture,
rêche à vos maxillaires mèdes ;
d’âcres prés salés, d’ords remèdes
qu’eau, poudrin trombe, embrun, maturent.
Pourtant il te sied mettre au vert
bélier cosseur, Toison d’or, vers
quoi j’arme mes nerfs, neuf Jason ;
Sachant trop quel monstre étreint l’antre
pour, vif, crucifier s’il y entre
le conquéreur sur la Toison !
31–1–22
Qu’est-ce que je vais devenir,
Sans métier connu sans argent,
avec ce pauvre cœur rageant
et cette farce d’avenir.
(Les fleurs au vase vont fanir)
Apprendre à mourir c’est urgent......
J’aurais bien dû rester sergent....
Bah ! Tout ça va bientôt finir
Peintre, c’est comme moine ou prêtre.
Seigneur je suis fourbu de paître
le trèfle du vallon sacré.
Laisse-moi braire avec les ânes,
épouser ma bonne, sucrer
et laper, heureux, ses tisanes.
2–2–22
Je le sais bien mon Dieu, ce n’est pas épatant,
mais c’est au moins la créature
Vos anges, voyez-vous, ils m’ont fait la vie dure,
et puis j’ai pleuré tant et tant.
Maintenant, comment savoir à quel saint me vouer
que devenir qu’essayerais-je
Pour cette maladie idiote quel barège,
pour ce sot procès, quel avoué ?
Non, voyez-vous, laissez-moi jouir un peu des choses
des viandes, des filles, des roses ;
ne me harcelez pas de vos textes trop sus.
Vos chérubins sont bien lointains. Moi je préfère
celle-ci charnelle avec ses beaux bras qui suent,
ses dents moites, ses fesses fières.
2–2–22
Seigneur, prenez pitié de ma chair sans contrôle
sens désaxés, désirs fourbus ;
Laissez-moi déposer et le masque et le rôle.
J’ai mâché votre aloès ; il est amer, bu
vos liquides par trop chimiques,
arraché la charpie de mes propres pus.
J’ai revêtu de bien disparates tuniques :
enfant de chœur, marchand, soldat ;
et les sages et les riches m’ont fait la nique.
Vraiment j’ai bu plus de larmes que de sodas
paumé plus de clous que de gorges
car Votre Croix contre mes membres se souda.
Vous m’avez martelé comme le fer qu’on forge
bouilli comme un sexe châtré,
étripé vif, sous la pique de vos Saints Georges.
Ça fait que je ne suis pas très d’aplomb, pas très
joyeux ; ce beau cœur sanguinole
et le sang sur les fards du faciès s’est plâtré.
Comment mourir bien parmi ces sots qui guignolent ;
Mon Amour délivrez-moi de
ces ventres sans désirs crêtés de cerveaux gnoles ;
Ça me ferait bien plaisir de mourir à deux
Avec sa main dedans ma paume ;
son rire lénifierait mon rictus hideux ;
Dieu ! mais vous m’arrachez la pyxide de baume
vous jetez mes os haletants
aux fosses, sous ces hommes, ces filles, ces mômes,
et ça n’est pas très ragoûtant.
4–2–22
Mon Dieu, me voici mué, semblable
aux bourreaux rouges cloutant
vos clous,
il me faut hurler avec les loups,
mes tours blanches s’effondrent au sable.
J’ai cherché votre humilité stable
préférant à leurs orchis vos houx,
avec ces omoplates dont vous
tanniez la peau du poids de Vos Tables.
C’est fini. Vous fûtes trop mauvais,
quand d’un franc vouloir je vous suivais,
mon torse zébré des coups de cordes.
Vos prés j’y pâture toujours, Dieu !
mais sciés, mes crocs se troussent pour mordre
la corde et le pieu.
6–2–22
celle-ci chaste avec sa nuque de panthère,
l’olive de sa face et l’acier de ses seins,
le souple de la hanche et l’ample du bassin,
stoppe mes désirs sur sa piste, groins en terre.
Peut-être qu’elle saurait mâter les licornes.
Ça devient rare et je me sens dépaysé ;
j’ai jaugé tant de seins, meurtris de reins brisés
d’“amour”, épuisé tant d’yeux dont le kohl flagorne.
ô mon Dieu prenez pitié de moi, pauvre frère
de celle-ci, malgré mes très mauvais désirs
cloué sur votre Croix par vos textes de fer.
permettez-moi au soir terrestre, de saisir
la douceur de vos lois que j’observe sans goût
implacablement, sous le mors et sous les coups.
8–2–22
J’ai dit : “Je veux vivre pieux et tâcheron
j’aurai une femme honnête ; pas de poudre
aux yeux ; le travail accepté peut m’absoudre
des vins, des galops en croupe des Chirons.
Ses bras bis cuisineront et blanchiront ;
docile, sa lèvre aura ce goût de cidre.
La vieillesse marquant leur mort au clepsydre
Vieux, leur suaire cousu, ils prieront,
riront.
Voilà ce que j’ai voulu : Babel très humble
qui pouvait élever jusqu’au ciel deux simples ;
Vous avez tué ce paradis de carton.
Avec le poignard jusqu’à la garde, bien
ancré au cœur, je ne cherche plus que Ton
Nom, Ton royaume et, serf, mon pain quotidien.
9–2–22
Cinquième mystère : Jésus parmi les Docteurs
Barbes à poux, glaireux et croches, lippes torves
avec de cocasses bonnets et mille ors vieux,
veufs de femmes, de trafics, de jeunesse, envieux
de savoir, ils sanglotent, reniflant leurs morves.
“Nous, fils de chiens, la science fit nos lèvres mauves
nos doigts goutteux, nos pieds perclus. Tel noble but :
nous myaudâmes, kaballâmes, yeux fourbus,
les iotas de ton texte aux rancœurs de l’alcôve.
Aujourd’hui tu nous dévoiles ton désir : Point
d’étude ; aimer. Nous n’avions su marquer ce point.
C’est trop tard, ils ne vibrent plus nos cœurs coriaces.
Nous, sages, enfant, tu nous bernes. Tais ta Voix
ou il nous faudra, dans ton sang, seul de Ta Race,
tuer ce remords de n’avoir su trouver la Voie !”
Ça n’est pas très intéressant mais c’est ma vie…..
Le dé à coudre rempli d’eau est “plein”. Moi, ces
piètres peines débordent mon cœur : Blanc Poucet,
sous la huche, Ogre gronde et le loquet dévie.
Son gros couteau gratte les planches. Je me musse
coi, mais sa paume avec ses doigts tortus m’étreint !
“Au jus, la cervelle ! En civet, l’arrière-train !”
et pan ! je lui pends au bras, vagissante aumusse.
Vous croyez que c’est drôle d’être cuit ce soir
au jus. J’ai prié Dieu pour qu’il daigne surseoir,
mais Ogre n’a pas du tout l’air de l’écouter ;
il me vide, m’embroche, me tourne, m’ensauce,
ma peau mordore, il me berce pour m’égoutter ;
Prions toujours.
“Celui qui prie, Dieu l’exauce.”
10–2–22
Second mystère : Flagellation
Enrubanné des stries du knout, putride, hoquète
Chien nu, plus impotent qu’un fœtus au cordon,
suppliant, sous les crus lazzis des catins, dont
les pieds peints poussent le pagne que tes reins quêtent ;
Ainsi te vit Anne-Cathérine ; et j’aguette
ta piste boueuse et sanglante, myrmidon
fou d’aimer ces fils de la chair, dénigrant ton
agonie, et qui s’empiffrent, pètent, braguettent.
Je suis de ceux-ci avec ma rancœur en sus.
Christ nu, prenez pitié de nos péchés cossus,
de nos vices savants, de nos arts sacrilèges.…
Jean, ce second mystère enseigne les martyrs.
Médite-le. Au soir il faudra répartir
la charge, il sied que ton épaule, alors, l’allège.
Apologue.
L’Enfant a dit : “Je veux travailler. Je sais bien
qu’il est aimable de courir, et je préfère
aussi le brin d’osier à la verge de fer,”
mais on m’a dit : “La paix de l’âme est dans ce lien.”
Le grave des vieillards, très jeune, il le fit sien ;
la commissure amère il mit ses doigts aux sphères...
et comme un, qui de longs jours, a vraiment souffert
il s’isola des jeux, des femmes et des chiens.
Telle l’aube. Au jour, triste, il sut qu’il était dupe.
mais il ne goûtait plus les danses, et les jupes
l’étonnaient ; il lui fallut garder le Masque, et
jusqu’au soir, avec des sueurs et des hoquets
traîner sous ce carton ceint d’une barbe austère
son enfance morte et son rire disloqué !
17–3–22
STENOGRAPHIE
Clairières.
Ce bleu baroque d’hors ces nuages maussades...
Je ne sais plus comment on rit. Je souffre de
rire, et pourtant, j’ai là deux âmes amies, deux
visages d’yeux clairs, bons pour moi, blondes torsades.
L’enfante est douce, avec des doigts en soie et sade
il y a un si fin parfum dans ses cheveux
et sa chair ; et le lait candide des aveux
d’hors son rire, source neuve, jase et glissade.
fraîcheur d’anis et de menthe, tennis, muguet
cueilli blanc, n’est-ce la cousine que briguait
mes quinze ans, moite, à mon épaule, après la course
des cache-cache dans le soir, quand la villa
s’allume, où les couseuses soudain stoppent, pour ce
qu’au loin, carnier lourd, l’oncle siffle, allègre et las.
5–22
II. STENOGRAPHIE
Avec ses poses mauves d’outre-norvège,
pourtant je préfère celle-ci d’épis
murs ceinte, aux doigts de clavecins, flapis
d’esseulement bramé aux actuels arpèges.......
ô la nuit tropicale où nous fuyions, Paie-je
d’un terne aujourd’hui cet abyssal répit
aux rockings, loin du jazz jaseur, en dépit
d’au creux des vagues la lune d’or beige.
Le poisson volant pique aux yeux indigo,
comme des houles douces, d’égaux sanglots...
Au goût d’embrun, la peau en moiteurs d’écume.
Moi, brise-lames
au creux des marins efforts.
Niais par choix, ce rôle étrange je l’assume :
Tendre la coupe, quand la soif me dévore.
31–5–22
Ô ma fiancée dans le soleil, c’était la croix
que vous m’apportiez en démarche nonchalante.
votre sourire et vos paumes moites et lentes
n’étaient qu’un instrument étrange de douleur.
et moi, naïf, de vos rires je me crus roi
mon flanc qu’avait brûlé la lance lancinante
s’affraîchissait. j’ouïs débile mais sonnante
la joie battre mon cœur d’amour et de souleur.
et puis j’ai su que vous étiez comme les autres.
vous vous étiez moqué de moi. (Ce champ d’épeautre
calciné,
qui voudrait en recueillir les gerbes).
me voici plus seul encor d’avoir été deux
“l’homme vit peu de jours, il fane comme l’herbe.”
mais qu’il est dur d’agir quand on repose un peu....
11–6–[22]
J’ai joué au Joseph chez bien des Putiphars
qui ne m’ont pas dépouillé de ma tunique
car ça aurait été un rire panique :
Moi violant quelqu’un ça effare !
Pourquoi ne m’avoir pas su gré, Dieu fort,
de ma chasteté cependant très unique.
Tous mes chers petits camarades forniquent.
Moi, la solitude me fore.
Cette fois, vrai, vous avez été trop loin,
une jeune fille “comme il faut” c’est rare ;
J’en ai pleuré deux nuits, lié, pieds et poings.
Savez-vous, ça use, il m’arrive
de regarder comme son trésor l’avare,
le couteau affilé et l’eau en dérive.
24–7–22
Soliloque
Dans ce pays, aux saints et aux gueux redoutable
Longtemps j’avais marché seul et las. A leur table
je m’assis confiant, heureux de reposer,
la bouche souriante et les doigts apaisés
J’étais très las vraiment. D’éphémères cantines
m’hébergèrent parmi des odeurs de latrine,
des soupes rances et des filles vérolées.
Faute d’argent, ça finissait par des volées.
et je m’en repartais, les reins un peu plus courbes
le cœur un peu plus gros. Puis quelques amis fourbes
démasqués, m’avaient laissé ce cœur en charpie
(sans mentionner ces trop jeunes vierges, harpies)
Vrai, j’avais verrouillé la porte de chez moi
et je m’étais juré de rester seul. Les mois
passèrent. Je râlais comme l’enfant qu’on rosse ;
Tout contact étranger mettait mes nerfs en brosse
Je préférais pleurer tout seul qu’être en risée
à ceux-là dont mon cœur s’était désattisé.
Pourtant j’avais vrai, soif de votre créature
Seigneur. A qui
marche seul la fatigue est dure
et les haltes du soir sont comme des cancers.
Deux pas sur un chemin, de nuit, c’est un concert.
Aussi, quand vous m’avez offert, à fin de marche,
ce compagnon, j’ai cru voir s’entr’ouvrir une arche
où mes désirs peureux passaient, enguirlandés
Mon cœur, floche soudain comme l’arc débandé
s’est couché au giron du compagnon robuste.
J’oubliais hier, leurs faux serments, leurs ris injustes
pour celui-ci flambant comme un miracle neuf.
Mon cœur, il l’a saisi, lancé comme l’éteuf,
il l’envoya rouler avec un rire énorme.
Seul, brisé, je goûte à nouveau la douleur, norme.
Après la rupture avec Diego. 10–8–22
Troisième Mystère : Le couronnement d’épines
(la mortification spirituelle)
J’ai appris la peinture et la mathématique,
Je connais le sans-fil, le commerce et la faim
Je parle l’allemand, l’espagnol et l’anglais
Je monte à cheval, je fais des vers et je boxe.
J’ai su danser, je sais prier et je suis mort
artilleur, en 1918, et la vie
en plus que je vis elle marche droit vers Dieu.
des femmes ont été amoureuses de moi....
Ainsi, semble-t-il, j’ai vécu une vie riche
d’avoir été, en chair, tant d’êtres successifs ;
mais vous m’enfoncez si dru ce chapeau d’épines
que mon hier s’écoule avec le sang du crâne
et je ne suis que ce douloureux présent, soit
l’enfant pauvre, résigné, que son père cogne.
9–22
Saint Joseph.
Il me sied méditer votre frustration
ô flambeau de la virginité perpétuelle,
pour mâchant l’aloès de ma douleur actuelle,
mieux jouir du fracas de ma vocation.
J’ai cru pouvoir jouir de cette Création,
je me suis éduqué pour ces amours mutuelles,
protégeant sexe et cœur des tares habituelles,
attendant celle élue à ma récréation.
Aussi, Joseph, ce bâton fleuri dans ta main,
te fut, certes, un gage de mariage humain ;
Tu conduisis jusqu’à sa couche, ta Fiancée....
Pourtant Joseph, tu mourus vierge, en réconfort,
tes paumes à Marie et à Jésus tressées....
Fais qu’en vivant ta vie, on meure de ta mort !
9–22
Unis, l’homme et la femme éclosent androgyne ;
Dans une seule chair, dit Paul, vous serez deux ;
Tant dur aux hommes est ce mystère de Dieu
qu’ils crachèrent leur rire à cette double échine.
Le poète l’élude, et le sage y rechigne,
le collégien et le brutal y sont tout yeux.
Pour moi j’ai médité ce jouir compendieux ;
Votre secret m’étreint de murailles de Chine.
Comme c’est dur, Seigneur, de procréer dûment.
Tobie a dit : “Ils sont semblables aux juments.”
Fus-je cheval d’aimer les frissons de sa nuque ?
Aujourd’hui l’heure est grave : Il me faut dépouiller
l’homme, et ce sexe impatient le verrouiller
au texte de l’Evangile du tierce eunuque...
9–22
Seigneur la souffrance est douce si on l’accepte
Voici : j’ai renoncé à jouir de ma chair,
coffrant, pour Vous l’offrir là-haut, cadeau peu cher
ce corps qui regimbe au moindre de Vos préceptes.
Roi, vous usez comme un bâton de votre sceptre
pour après consoler celui-là qui vous sert
lorsque ses reins contus, ses vertèbres de serf
s’irisent de vos coups comme au rayon d’un spectre
Tel, j’ai agonisé dans le noir ; et voici
qu’éclaboussant d’aurore le mur long-transi
Vous parûtes, portant l’arrêt de mon supplice
d’une main si douce et lu d’une voix si lisse
que j’ai joui, ô mort lèvre à lèvre bercée
plus qu’un amant, de ma Fiancée aux mains percées.
9–22
Soi.
Face, à laquelle nul n’a souri sans tristesse
Vous que nul doigté féminin n’affraîchit, front,
orbites, lourds du monde que nous déchiffrons,
sexe impotent, pieds sans beauté, cœur sans adresse,
et vos doigts qui ne dénouèrent nulle tresse,
joue ignorante du baiser, moite d’affront,
éléments de ce corps dans lequel nous souffrons
Baal fume ; on y va verrouiller vos détresses.
Eliminons ; il faut égaler, tout nu, l’x.
c’est fini. Ce
tas de cendre est moi. Dieux
sensibles
vous mourûtes. L’archer a déchiré la cible.
Grande est la faute, et très grand le pardon. Felix
culpa, car tu, enfantant l’impossible
frémis, t’emplumes et t’essores, clair Phénix !
9–22
Quatrième Mystère : portement de Croix.
Qu’elle soit en y grec ou en T, l’âpre écharde,
Votre Poutre, en nos reins sans résignation,
porté, outré d’effort et la marche pocharde
vingt ans, d’hors les crachats des chiennes nations.
Peu probable qu’on soit déchiré par les hordes ;
point de chance que nous mourions d’inanition,
car votre poing très fort nous muraille de cordes
plus redoutables que la Ronce en ignition
Poursuivons, sans bâton, sans sandales, sans bourses,
sans prétendre où, au soir, apaiser notre course,
sans destinataire à ce colis peu postal
ou bien tant on est las, et le jour jà balance,
couchons-nous, dormons sur ce Bois, grabat brutal,
quiets, prête proie aux porteurs des fouets, clous, fiel,
lance.
9–22
Premier Mystère : Le jardin des Olives.
Nous, Dieu, débâtés de vos doctrines
dormons la nuque au creux du fagot
d’un lourd sommeil, sans remords cagots
songeant à Jeanne ou de Catherine.
Vos cierges ont senteur de latrine ;
Vos homélies faux airs de ragots ;
Mieux jouir d’opulentes viragos
qu’épeler majuscule et lettrines.
Faible est la chair, prompt l’esprit. Je dors
et tout le plaisir du siècle tord
ma paupière en voluptés cornues.
Bon apôtre, ronflons, c’est décent.
qu’y faire ? Il n’en peut mais sur sa nue,
l’Ange. A vingt pas Jésus sue, en sang.
11–22
“On n’est pas parfait.” STENOGRAPHIE I
France où l’amante est l’amie ; Angleterre, garces ;
Allemagne, ouvertes comme de beaux fruits mûrs,
Tant que la chair adhérera à mes fémurs,
je vous recorderai, pauvres voluptés d’arce.
On m’élit Eros, tel Paul crut mercure à Tarse.
Jà la Sirène hors l’écume s’étend, frais mur
de chair. Son solfège m’enfièvre, ô Réaumur ;
quelle cure ? Au mât m’encorder, Ulysse farce.
Enfin, j’ai su l’authentique vampire, au beau
corps mais glacial, aux dents d’ogresse. Pied-sabot ?
Sais-je, ne l’ayant apprivoisé qu’en chaussures.
But-elle du sang, mangeant ce macaroni ?
Moi, cru sifflé, j’y, suant, reconnu, chose sûre,
la Martienne qui fit de l’œil à Marconi.
13–11–22
II
Elle a beau être jolie, et très, bon Dieu, je
ne puis guère prendre au sérieux la tentatrice ;
Elle n’offre, tout bien pesé, que sa matrice,
et j’ai réservé fort peu de temps pour ces jeux.
Exorcisez-la de ses deux ou trois démons :
Pour les loger, il y a des cochons tout proche ;
Ce vase si parfait, l’emplissez d’eau de roche
et réservez pour les litrons l’eau de limon.
Vous conquérir une si belle fiancée.....
Ça vous ferait plus de plaisir que ces guenons
dont la splendeur de Votre temple est offensée.
Moi, résigné, après bien des que-si, que-non,
je me réjouirai de vos caresses mutuelles
de corps et cœur quêtant de Joseph la tutelle.
14–11–22
III
Fillette usée aux coups de reins des acéphales
servile mime aux postures du vieux retors,
prêtresse de Baal, de Priape, d’Athor,
signe obscène, savante épouse du dieu Phalle,
il me plaît peu de te voir, gaine triomphale
de cinq laids démons, cible aux gants de beaux butors ;
le mâle râle, flairant ta piste. Tu tors
à ton sexe un crin plus d’oubli qu’au rouet l’Omphale.
Petit Chaperon rouge tu connus le loup
tôt. Quel désastre il a commis. Le cantaloup
de grand-maman s’est écrasé sur la fougère !
Crois-moi, vite, Redresse au pli ton capulet,
prends ton panier, rentre chez toi, fille légère.
Ton papa n’est pas beau, mais le loup c’est plus laid.
16–11–22
Saint Sebastiano de Apparicio
Sebastiano, des bœufs, de leur tiédeur cornue,
t’accueillent. Plus loin, tu herses un champ, puis tu,
tout de grâce et d’onction dans ton lit revêtu,
résistes à une fort belle femme nue.…
(j’en ai palpé les noirs cils, la lippe menue).
Je t’en prie, ô Saint, (moi non de roc, mais fétu)
qui garda intacte la fleur de ta vertu
en de semblables circonstances saugrenues,
Surtout, défends-nous des démones incarnées
aux jeunes mortes pour le mal réanimées
qui du chaste le salut soûlent empêcher.
Etant peintre, il me déplairait fort, noble athlète,
m’assoupissant près d’un au moins joli péché,
de m’éveiller côte à côte avec un squelette.
14–11–22
I.
Christ, ce corps encor, ce coup des cors bramés ; d’hors
la futaie agonise un dix-cors, sang et sexe ;
on en fera des côtelettes ; ça le vexe,
malgré qu’on dit que la d’Uzès a des dents d’or.
Tel torse beau, goulu d’héroïsme, s’endort
du persil fleuri sa narine sans réflexe.
Toi, Jean Gros-Jean, submergé de médiocre, inflexe
tes mains percées vers d’aussi culinaires morts.
C’est vrai qu’on s’en souviendra de cette planète !
Tu la veux traverser tête haute, mains nettes,
mais l’astre implacable assoiffe et tôt, collégien
détrompé (car nulle aile effleurera ta joue)
il te faudra, prostré aux flaques, l’eau des chiens
la laper, genoux, mains et bouche dans la boue.
14–4–23
II.
m’auraient hébergé de suffisantes auberges,
sans liards délier : grogs chauds, filles rouges, bons lits
Quand on est jeune, on est bête, on croit ce qu’on lit :
“Pour vaincre l’horizon, laissons, dis-je, la berge.”
J’ai méprisé ma soif et j’ai mâté ma verge.
J’avais faim : j’ai jeté aux fosses ces courlis.
quêtant Dieu, j’ai traversé cent déserts pour l’y
forcer. Lors
j’étais jeune, et orgueilleux, et vierge.
Ce soir me voici las, très perclus, très souillé.
Reculer, c’est bien tard. Avancer, mes souliers
geignent. Faut-il, à nuit, langue épaisse, l’œil rouge,
fou d’avoir méprisé ce qu’à l’aube on m’offrait,
secouant les huis, m’affaler, âcre, au dernier bouge
à déguster des vins et des sexes peu frais.
28–4–23
Comme on est seul, Seigneur, parmi vos créatures
Chair d’autres : Tant de mains, pas une amie, en tant
d’yeux pas un regard. Quel pèlerinage, étant
comme une lettre en trop qu’un docte doigt rature.
Ange-mousse juché, vois-tu terre aux mâtures ?
Moi, pieds ferrés, à fond de cale, hargneux, j’étends
mes crampes. L’eau même qu’en sais-je : mer, étang ?
Tangue et roule, niais, d’avoir violé ta nature.
Si, chien rétif, je casse un collier, mes crocs vers
des mollets, j’étends le Maître, d’un revers
de gueule, et (Jezabel modern-style) l’étripe.
Paix, Jean-de-lettre ! Au réel, je gagne des sous,
ai des amis, vêt un veston, soigne mes grippes,
communie, mange à ma faim et dore mon soûl.
6–5–23
Seigneur, pour délacer ce masque de superbe
me donnerez-vous pas l’humilité du cœur
la jeune ivraie on l’a mêlée au blé en herbe
mais approche le fer du patient moissonneur.
Ma lèvre sèche à ressasser la phrase apprise
mon cœur de mime veut balbutier ses maux.
Dégrimé je cherche (ô pas plus) une payse
pour lui dire des choses sans faire de mots.
C’est vrai, Seigneur, je veux marcher par la grand-route
ces sentiers à poètes les fuir avec soin
qu’y a-t-il de plus sage que l’agneau qui broute
et quelle meilleure odeur que celle du foin.
Jeanne, Mélanie, Bernadette, bergères.
Avec ça beaucoup de bas-bleus meurent très mal.
Un tel exemple, n’est-il pas vrai, nous suggère
que le cérébral est moins pur que l’hominal.
Il faut donc en revenir à l’obéissance
mettre de côté les brillants de faux aloi ;
fuir les mauvais compagnons, aimer la décence,
observer de Dieu et de l’Eglise les lois.
Il y a deux routes, la bonne et la mauvaise ;
on a beau être savant et “talentueux”
on sait bien quand on marche net ou quand on biaise,
quels sont les chemins droits, quels les chemins tortueux.
Il est absolu d’être simple, l’Evangile.
Eh oui, nous ne pouvons rien sans la charité ;
Il faut jeûner, comme tous, carême et vigiles
si nous voulons arriver à l’Eternité.
Ainsi, Seigneur, tant d’idéaux où je balance
ne sont que de vains jouets créés par des cerveaux,
ne soyons ni les clous, ni le fiel, ni la lance
mais de bons paroissiens et de simples dévots.
Et pour ce qui regarde votre créature
vous en savez ma soif et faim, mais enfin
je vous ai tout remis : le sacrifice dure.
Etanchez donc ma soif et apaisez ma faim.
que ma vie avec soin, je la sarcle et l’émonde
et mon âme semblable au jardin potager,
qu’au soir et au matin mon soin jaloux l’inonde
pour que l’Enfant Jésus y choisisse à manger.
Ma concupiscence, aujourd’hui forte d’épines,
matée y mûrira l’abricot savoureux,
moi d’un doigt non-lassé que j’y ratisse et bine
et change en un tuf végétal ce sol pierreux.
Hélas comme un pèlerin voit l’horizon proche
je sais mon but, je me désire simple et bon
mais entre lui et moi, l’eau l’ortie et la roche
ont recouvert la sente et culbuté les ponts.
Je n’y puis marcher seul. Ecoutez ma prière.
Prenez-moi dans vos bras puisque j’ai bon vouloir.
Votre pas, ô Jésus, se rit des fondrières
et découvre l’issue aux plus secrets couloirs.
Je ne puis guère vous aider : je m’abandonne.
(Prenez bien soin de ne pas briser mon lorgnon)
Je dormirai, vous m’entraînerez à la bonne
auberge où roussit déjà la soupe aux oignons.
Si je suis méchant vous me bercerez, nourrice,
l’enfant pleure, on ne l’apaise pas en grondant.
Vous me blottirez dans votre chaude pelisse
Et me ferez sourire en m’agaçant les dents.
“Vous n’entrerez pas aux demeures de mon Père
si vous ne ressemblez à de petits enfants.”
Pour charmer j’ai un peu trop de bistre aux paupières
et mes grâces seront des grâces d’éléphant.
Pourtant vous me pardonnerez, j’en ai confiance
surtout les plus subtils pour Vous sont maladroits,
Vous ne sourirez pas de ma factice enfance
mais me ferez courir par vos sentiers étroits.
Puisque de moi-même je ne prends d’autre sente
que celle qui conduit à la damnation
Je vous fais cette prière exacte et pressante
et vous offre ce cœur qui pleure ses passions.
Faites que je m’enlace à votre sainte Enfance
ce démon de Midi que je l’écrase tout
Faites-moi vivre et mourir dans l’obéissance
et donnez-moi Votre ciel qui est pour les doux.
14–5–23
J’y pense : Mes camarades qu’est-ce qu’ils firent ?
depuis Condorcet j’ai suivi seul ce chemin.
Sûr, eux, leur chemin c’est un chemin moins romain
où des calices surgissent, des vents zéphyrent.
Moi, masque aux crins roussis (les foudres là sévirent)
fourbu j’agrippe aux rocs mes deux aveugles mains ;
Eux avec des dames à sourires carmin
des vins, et un compte en banque de quoi suffire.
Car je n’ai pas été raisonnable : J’ai peint,
Eux travaillaient. Ils ont la brioche et le pain
semanal,
c’est pour moi : Bien fait. De
quoi me plains-je
Mais aussi, la vie à porter très seul, c’est lourd.
Après que sera-ce ? Eux coïtent dans des linges
fins, sûr d’avoir au Ciel leur prie-Dieu en velours !
Seigneur, vous m’avez mis des femmes en travers
avec des gestes suppliants et des yeux pâles,
avec des bras serrés et les
genoux ouverts
et m’incitant à jouir, et s’excitant au râle.
je vous jure, ô mon Dieu, que mon corps s’est troublé,
les dents crissantes je les admirais en face ;
vous qui me laissez l’us du soleil et du blé,
ces créatures que voulez-vous que j’en fasse.
j’ai des caresses plein les doigts, et des baisers
espérés m’ouvrent les lèvres. Mon sexe piaffe ;
je me sens vraiment par votre Texte lésé,
Si ce corps vous l’avez créé pour de tels affres.
Je considère en pleurant votre Volonté.
je n’en puis plus, je suis un chien flairant des chiennes
et cet instinct au fouet soumis, au poing dompté,
casse l’attache et part, avec sa rage ancienne.
Dire que c’est ma faute ? Vous avez tout fait.
Vous m’avez tenté comme un saint, moi, une brute.
il y a eu des moments, mon sang m’étouffait
et des nuits où je me suis épuisé de lutte.
Ça allait quand les obstacles venaient de moi :
hier vous m’avez mis ces deux-là sur la route
et
l’éclat de la halte et la chaleur du mois
m’ont fait braire et danser comme un âne qui broute.
Jamais des yeux ne m’avaient fixé comme ca ;
des doigts pressé avec une telle insistance.…
Ça fait que je me suis rêvé jeune rajah
sous les palmes des plumes et le feu des danses.
Cette fille insignifiante pour d’autres, j’en
fus fou. Vous
lui fîtes me dire ce “Je t’aime”
qui m’a blessé au cœur, comme on dit, fourrageant
ma paix. J’avais au ciné, ri souvent du thème.
pour moi qui étais un jeune homme chaste et pieux
Ça m’a mordu. Je souffre encor de la morsure ;
En six mois j’ai arraché de la plaie l’épieu
mais de mille recettes, nulle ne fut sûre.
Cette petite, je l’ai revue et je sais
qu’elle a menti, et qu’elle ne vaut pas grand-chose,
mais j’ai encore aux mains le rond de son corset,
et au cerveau sa voix qui de tout fut la cause.
Vous m’y reprendrez à des leçons de dessin !
cette enfant me fit mal, et sa feinte innocence,
Pas faite, avec encor pas de bouts à ses seins
ça joue à déchirer et nos Arts et nos Sciences.
Vous avez noué à ma cheville ce lacet,
très soigneusement, sous mes pas, creusé la trappe,
et vraiment, marchant seul, et maussade, et lassé,
j’avais droit à tomber en votre caute attrape.
L’autre eut sur moi permis ; Job impatient, j’étais
si las : j’eus cette fois encore confiance.
Ça a été comme avec celle précitée :
je suis niais comme une provinciale qu’on fiance.
puis celle-ci combla mon idéal de beau :
d’une perfection animale qui me flatte
et l’odeur du bétail, et le doux d’une peau
déflorée, et d’être maigre sans être plate.
La vraie aubaine, quoi, éternel continent.
A tes fièvres et à tes obsessions quel havre ;
Mais bête autant sur l’un qu’en l’autre continent
tu fus contre elle d’une chasteté qui navre.
Sois certain qu’un jour proche elle te dira : “Sot”
et s’ira retrousser pour
de plus
accessibles
et toi tu veilliras lamentable et puceau,
sexe intact, cœur comme hérissé de dards la cible.
Bientôt les femmes ne te rechercheront plus
On te soupçonnera d’avoir de vilains vices
parce que les gens ne croient pas à la vertu,
ni que se contrarier, c’est se rendre service.
Et sûr qu’avec un tel régime, dans dix ans
tu deviendras un vieux garçon insupportable,
exact aux processions du Dimanche, disant
du mal des filles et t’attardant trop à table,
Traînant ton passé comme une croix dure au dos ;
Puant cette odeur fade dont dit Courteline
qu’elle est spéciale aux eunuques et aux bedeaux,
de rance, de linges, de langes, de latrines.
8–23
Pourquoi faut-il, Seigneur, que vous glissiez la vitre
de vos préceptes entre cette femme et moi
Chair aux genoux serrés, plus secrète que l’huître,
gisante, ouverte enfin, prometteuse d’émoi.
Longtemps j’ai évolué autour du susdit sexe
Mâle en folie, usant d’adresses de chasseur.
La proie, échec et mat, est à cueillir. Ça vexe
des jours, de savoir son catéchisme par cœur.
Qu’y faire. Un salut clos l’aventure. On remonte
aux tours d’ivoire vers des crachoirs lacrymaux
et pour rompre l’ennui d’être seul, on se conte
des contes de saints qui souffrirent mille maux.
L’un d’eux qui avait pris très à cœur d’être chaste
Pour résister coupa sa langue avec ses dents,
Seigneur, ces gens avaient pour Vous un amour vaste,
les
dons du Saint Esprit, la grâce en excédent.
Mais moi l’amour que j’ai pour Vous il est si grêle
si cérébral qu’il faut forcer pour s’y tenir.
A chaque instant je vous cherche d’aigres querelles
Et peuple de muqueuses mon proche avenir.
Je me condamne au décalogue sans comprendre
qu’une bouche offerte soit moins qu’un séraphin
Et à voir de jeunes jambes je deviens tendre
Et crois que ce crée peut m’assouvir ma faim.
Puis
respectueux de ce texte qui est le Vôtre
j’étrangle mon désir et réserve ce corps
pour que votre vouloir s’en réjouisse et s’y vautre ;
Ce trésor est à Vous, trésor d’étain, non d’or.
Faites-en ce qu’il en faut faire. Un prompt usage
s’il vous plaît. Je me meurs d’être à vingt-quatre ans neuf
Et usé d’être intact, affolé d’être sage
Vivre est pour moi comme le problème de l’œuf.
Alors tuez-moi. Ou mariez-moi. Les deux m’arrangent
mais cette croix quotidienne de refus :
Cela quand on a soif de rejeter l’orange,
la stérile érection, ce désespoir infus,
ô cela, quittez-le-moi, Seigneur, de l’épaule.
comme tous les grognards je suis un bon garçon
Alors ne soyez pas pour moi froid comme un pôle.
J’écoute votre voix qui ne rend pas grand son.
Si vous ne m’expliquez en quoi la loi est bonne
je la rejetterai un jour car je suis sot
Et car ni de peindre, ni de jouer du trombone
ne sauraient consoler un homm’ d’être puceau.
Pour lors comme il est écrit de Dame cigogne
qui goba, faute de truites, l’escargot,
j’irai rouler aux reins de dames sans vergogne
et de franc dévot me muerais en faux cagot.
Vieillard je tenterai de faciles Suzannes
Et d’avoir usé mon héroïsme au printemps
j’adorerai, l’automne et l’hiver, veaux et ânes
d’or, et mourrai satanique et point pénitent.
Père pourquoi laisser périr, d’entre vos gosses
non le plus beau, mais certes pas le plus méchant.
Trouvez vite une issue à ce pressant négoce
puisque j’ai bon vouloir à labourer vos champs ;
Las d’attendre, demain, je rirai de vos plaies,
je n’aurai plus pitié de votre soif de fiel
Ayant désaltéré aux tétines des laies
ce grand désir leurré que j’eus de Votre ciel.
Rien ne me restera de tant de sacrifices…
Pourquoi êtes-vous, Dieu, si méchant partageur,
si jaloux de ceux qui sont à votre service
et pour un moindre manque, brutal et rageur ;
Votre bâton encor tatoué aux omoplates ;
Vos menottes encor à mes poignets fourbus,
J’ai
dit. Vous pouvez me rattacher à la patte
vos fers ; je subirai, l’ayant montré, l’abus.
Ainsi voit-on le bœuf lorsqu’il atteint aux bornes
du champ. Il
tourne muet sur ses reins harassés,
beugle aux astres, s’apaise et reprend, joug aux cornes
le sillon parallèle au sillon jà tracé.
20–9–23
Je crois qu’il vaudrait mieux suivre la route droite
absolument, sans ces licences de rapin
car nous ne passerons que par la porte étroite
et la porte d’enfer est la porte à Rodin.
Pour moi, pour moi trop seul, ces spectacles sont nobles
et ses touchers sont doux comme un contact de fruits,
et ses baisers bénins, et ses yeux de sinople
sondent mon cœur priant sans l’altérer de bruit.
Son corps à corps m’est comme une bouée aux tempêtes
Sa bouche une sangsue à m’ôter mes soucis.
Sa tactique d’amour, humble, obstinée et bête
est un lierre grimpé à mes tours de Coucy.
Ô je sais bien, mon Dieu, que ce n’est pas ma faute
que cette paix j’en jouis sans en être l’auteur,
que votre grâce ôtée on verrait, comme on ôte
un pagne, quelque idole hideuse d’impudeur.
je sais que beaucoup, dans cette fosse, roulèrent
que ce même chemin l’ont pris bien des damnés,
que de savants auteurs défendent de s’y plaire,
que Vos grâces ne sont qu’aux très prudents données,
que la chute est probable à danser sur les cordes,
qu’un roc décervela l’escaladeur de monts,
que souvent Dieu se tait, que les démons sont hordes
et la peine qu’a l’âme à mouvoir ce limon.
Tout ça on me l’a dit, je l’ai lu, mais qu’en sais-je ?
Vous m’avez choyé comme l’agneau du troupeau ;
Et m’avez protégé des pierres et des pièges,
Et n’avez vendu ni ma laine, ni ma peau.
Bon pasteur m’évitant les routes de rocaille,
le froid des nuits, l’ardeur des jours, la dent des chiens
comment désirerais-je n’être de vos ouailles
moi qui bientôt mourrai détaché de vos liens.
J’ai tellement présent vos mains, votre visage
que je mesure tout suivant votre compas.
Cette femme amoureuse m’est le paysage
dont le marcheur s’éjouit sans dévier le pas,
Cette contemplation et cette certitude,
et cette joie intérieure, qui la croirait ;
La crainte croît au cœur de gens chauves d’études,
moi “devant tout l’enfer assemblé, je rirais.”
Peuvent-ils les démons qui dans ce corps s’encanguent
renverser l’autel au temple de Votre Esprit ;
qu’ils mimiquent par ses doigts, son torse, sa langue
qu’ils feignent chaud ou froid, ils n’auront que mépris
mais je ne jetterai pas au fumier la perle,
j’ouvrirai obstiné cet asile de paix.
Un jour s’égailleront les quelques vilains merles
et la Colombe en feu vaincra le noir épais.
Et cette âme entrera en l’humilité stable,
Et ces doigts tentateurs s’uniront à la Croix,
Une neuve brebis bêlera dans l’étable
qui dans la ténèbre extérieure, crevait de froid.
Moi qui suis scrupuleux sur de minimes choses,
me pourrais-je tromper en de si grands dessins ;
j’ai plaisir, il est vrai, comme on dort sur des roses
à respirer sa nuque, et ses bras et ses seins :
D’un même amour j’ai aimé mon ours de peluche ;
Elle est comme un jouet très complexe et doux, et je
l’assimile à la poupée et à la perruche,
et j’aime le monsieur qui m’inventa ce jeu
Il m’a dit : “Il ne faut pas que tu en mésuses,
mais si tu te tiens bien aux heures de leçons
pour les jeux elle te sera compagne et muse ;
ne la bouscule pas, elle est pleine de son,
ne joue pas des jeux forts qui enfièvrent, qui blessent ;
ne joue pas des jeux niais qu’on ne peut raconter ;
je veux te tenir par l’amour et non en laisse
Tu sais que je pleurerais s’il fallait gronder.”
Cher discours, j’ai, tâche close, droit aux détentes.
Faites taire, Dieu, les voix criardes des pions
gueulant : “Nous le dirons à vos oncles et tantes
Nous, justes, l’œil aux serrures, nous vous épions.”
Puisque j’ai DROIT ! mais ils ne savent pas nos pactes
ils ont réveillé en moi ces cochons d’instincts,
bâfrent de grand appétit ma jeunesse intacte,
dissèquent mes reflets dans leurs cerveaux sans tain.
Je sais bien : Moi j’ai cru. Vous, vous étiez sincère,
je sais bien, si le monde, c’était Vous et moi
Aigle et colombe se tresseraient patte et serre
et on ferait des mois de mai de tous les mois.
Mais c’est un monde de vicieux, de double-langue,
de gens qu’un bas de soie exhausse d’érections,
Pourtant de leurs péchés dois-je porter la cangue
et conformer à leurs proverbes mes actions ?
Prière : “Donnez-moi la vertu de prudence.”
Ça n’est pas rigolo quand on a 25 ans
de se méfier des tailles qu’on tient à la danse
et ces beaux rires, les foudroyer, disséquant ;
et ces beaux jeux, ces jeux charnels d’adolescence
d’y restreindre les doigts et la bouche, d’un mors
implacable, et, ridiculisé de décence,
conduire ma jeunesse comme on porte un mort.
Moi, veuf d’instincts pervers, d’agir ainsi je dupe ;
je trouve je ne sais quoi d’angélique au nu,
l’intégrité des vierges, ce n’est pas la jupe
et des deux Adams, nu, nul ne fut saugrenu.
J’espère que là-haut cette épreuve passée,
l’uniforme des bienheureux sera la peau
Et qu’enfin chaque chose à sa place placée
nos chairs glorieuses mépriseront l’oripeau,
car lorsque Dieu construisit l’homme à son image
soigneusement, torse, membres, ventre, phallus,
Et lorsqu’il fit la femme, et fonda ce ménage
qu’il y greffa l’instinct et leur en permit l’us,
car lorsqu’en sa sagesse ayant computé l’heure
Il préparait la Croix aux couches de David,
lorsque, dernier chaînon, la stérile Anne pleure
Et presse Joachim contre son ventre avide,
Vos instruments, Seigneur, que furent-ils : Nos sexes ;
Par le coït vous édifiez la Rédemption ;
La caresse amoureuse et son œuvre complexe
mûrirent, au long des siècles, le chef de Sion.
Et nous mépriserions ces ouvriers très dignes ;
Peut-être un jour me donnerez-vous ce permis
de m’étendre à plein corps dans ce plaisir insigne
et de jouir des joies que vous y avez mises.
Pour le moment, Seigneur, comme David sénile
se réchauffant aux chairs d’Abisag de Sunam,
permettez-moi quelque chair sœur pour cure aux mille
Froids et plaies qui m’envahissent le cœur et l’âme.
Evidemment j’aimerai mieux la Claire-Vue ;
A défaut nous jouerons comme des collégiens
Jusqu’au jour où prenant ma vertu pour bévue,
on m’enverra rouler au ruisseau comme un chien ;
Mais Voyez-vous, Seigneur, je suis fou de ce rôle ;
Je suis fou d’être seul à me promener seul
Et cette petite femme avenante et drôle
ferait quelque rature à mon trop blanc linceul
revifierait mon cœur rouillé de moisissures,
rajusterait l’iris à mon œil sans regards
Banderait ses doigts à mes douleurs, cure sûre,
m’enseignerait à rire et à m’endormir tard.
et quand, dépitée, ignorante des us d’anges
elle m’aurait mis à la porte avec des mots,
de souvenirs, je boirais de claires vendanges
Et me cuirait des cataplasmes à maints maux.
D’ailleurs Vous savez bien qu’un Doigt de Vous supère
A toute volupté et détache de tout…
qu’on oublie à votre contact ce qui sut plaire
que les voix chères quand Vous parlez, sont de toux.
que s’il Vous plaît m’élire à Vos Ordres et Règles
Vous me mettrez au cœur le feu qui fait les saints,
qu’à mon essor vous grefferez des ailes d’aigles
et que Votre Unitive est mon secret dessein.
que je ne me plaindrais ni des pieds ni des triques
s’il vous plaît m’initier à Votre Golgotha,
que dès aujourd’hui, la peinture et la métrique
je les appends, comme deux béquilles, au tas
d’ex-votos,
et l’honneur, la femme, la fortune
je les dépouillerai au jour qu’il vous chaudra,
pour vivre nu, sur vos chemins droits, la vie une,
et, au bout, m’apaiser le cœur entre vos Bras.
7 et 8–2–24
On a beau les bourrer avec des connaissances
qu’on a soi, et jurer l’âme sous les jupons,
prêter à leur inorganique des décences,
nous extasier aux plumes dont nous les huppons,
Le conte est si vieux que nous, tourneurs de fétiches
issus d’un tronc, nous flairons le bois sous le dieu
on l’enfume d’hymnes et los, mais on s’en fiche
et quoi pleurer, si les vers dévorent ce pieu.
Où, sans symbole, je l’ai vu dans des postures
à ne m’y pas tromper. Qu’y puis-je. Du logis
retirer mes beaux meubles et mes fournitures,
Sceller son souvenir, y dorer un ci-gît....
Et déménageur las, élire autre masure
avec cet idéal d’y rester jusqu’au soir,
mais gardant le fourgon comme sage mesure
à la porte et les cordes autour du dressoir.
On s’installe, on clôt l’huis et les persiennes. “Home
sweet home.” On dit “Tout crée est bon jouissons-en”
On s’apaise et on est comme quand, paume à paume
Jouaient au bois cousine et cousin de onze ans.
Un coup de vent détruit la muraille de Chine
On se trouve en plein champ et ses meubles à l’air
Alors on réajuste au fardeau son échine
et on “rempile” sous des cieux tissés d’éclairs.
Deux ans je l’ai dotée d’intentions sublimes,
Elle avait la peau douce et une odeur de foin,
pauvre, ce tragique du tissu qui s’élime ;
j’en avais pitié près, et je l’aimais de loin.
Elle fut pour moi jusqu’à ces jours, bonne fille
à m’offrir son honneur. Moi de le décliner,
car cette moisson l’avaient faite tant de faucilles
que je ne me sentais pas d’humour à glaner.
Elle est retournée vers des gens de sa nature ;
Moi j’ai repris cette habitude du désert ;
Ça sera mon dernier essai de créature
Et sur ces harpes floches, de jouer des airs.
Rompues les relations avec mes égaux reste
ce tête-à-tête avec la Trinité. Jeter
ces poids morts : ce corps gymnaste, ce cerveau preste
ces histoires de l’art, ce savoir acheté,
cet orgueil d’avoir peint, ce désir de plus faire,
ce contentement d’être jeune et d’être sain,
la froide volupté des chiffres et des sphères,
le laurier du poète et la tiédeur des seins ;
Me retrouver tout nu, sans cerveau ni mémoire
Avec ces doigts perclus Lui construire un autel
Et garder en ce corps tel en piteuse armoire
ce Dieu jaloux, qui est très pur, et me veut tel.
Car c’est Lui qui maniant ces cocasses carcasses
m’intéressait au jeu : J’en ai pleuré et ri,
Le commissaire est rossé, les ficelles cassent,
Le montreur dégante ses doigts endoloris.
De Lui ces chers pantins furent une humble image
Comme un miroir veuf de reflets, ils gisent, bois
peints, ceux qui étaient notaires, rois et mages.
L’amour que j’eus pour eux, au Maître, je le dois.
Ça n’est pas rigolo surtout pour un esthète ;
La femme est ce qu’on trouve de plus près du beau ;
Sûr que ça n’était pas des peintres, les ascètes ;
d’être seul ça me mettra tout l’être en lambeau.
Mais elles ont si peu d’âme, ces belles chiennes
qu’à m’y frotter je me sens devenir canin,
Avides qu’elles sont de fermer les persiennes
Sur le soleil trop grand qui ne fait peur qu’aux nains.
C’est en toute raison qu’il faut brûler l’idole
jeter ce blanc simulacre vide en dedans
ne pouvant vêtir le pyjama et l’étole
ni me nourrir de la doctrine en les tétant.
Pour cela, toi l’artiste, on va te déconfire
Et vous, le délicat, on va vous humilier ;
L’ascétique et la mystique doivent suffire.
Faillite à vos petits harems et bals Bullier.
Dieu est si nu. Thomas le nomme “La Ténèbre”
Si tu t’habitues trop à l’électricité,
et à ces jazz et à ces filles qu’on croirait zèbre,
qu’y verras-tu lorsqu’en sa NUIT précipité.
A la une, à la deux…A la trois, pouf, je plonge.
L’obéissance, après tout, c’est le postulat.
Abats-moi. Découpe filet, faux-filet, longe ;
Je ne garde rien. Cette muqueuse aussi Tu l’as.
fini 11–24
Pour, sot pygmalion, n’avoir animé sa glaise,
ni magnifier ses bras en arcs non coutumiers
ni d’eau d’orage ses yeux gorge de ramier
ni soulever de spleen sang-bleu sa gorge anglaise
Pour avoir fait cible sa chair et peau, de lèse
amour, vous colloquant ce phallus en cimier,
quel supplice, mon corps, (de rien ne sert s’y nier)
choisirez-vous, et pour votre âme, quel malaise ?
Ceci : Créer l’homme secret, tuer le public….
Imiter le fœtus ; mes yeux sont l’ombilic,
ce crée le cordon, le Créateur, le ventre.
Que mon admiration et sa respiration
soient une. Tracer tous rayons du cercle au centre.
Mater, agenouiller mon optique passion.
19–6–24
Borgne musique et plats point cuits ! Mangeons par faim
Jérôme au désert rêvait de jeunes Romaines
dansant aux bains. Ma tentation, non tant amène
Agita plus de jambes mais si sans parfums.
Pour l’homme à l’eau, point n’est besoin d’un radeau fin
Donc, Muse, pourquoi vous avoir feint plus qu’humaine
D’avoir pris pour un homme Pirée, j’emmène
ma joie à pic car, crac s’immerge le dauphin.
Toujours leur étoffer de mon hyper-amour
leurs nus douteux ; et toujours ce manteau trop lourd
leur égoïsme se jugeant plastique, l’ôte.
Mes respectueux efforts l’empêchèrent d’hennir
Jusqu’hier où d’une pétarade la prit l’hôte
malin qui commença par où il sied
finir.
6–9–24